De l'art de parler...

Publié le par Dicrostonyx torquatus

Emily Jane White, whouhaaa, elle était à Liège, au Sauvenière, pas plus tard qu'hier soir.

La Causerie, pour des raisons que j'aimerais explorer plus avant, suscite chez les 15-18 ans plus d'enthousiasme qu'imaginé.  Ça fait évidemment très plaisir au lemming de recevoir ces compliments, par mails, par sourires, par petits commentaires lâchés dans le foyer du théâtre.

Tout ça pour en arriver à ce qui motive la présente chronique : je viens de trouver cette critique, due à la plume de Marie Van Hoorebeke, du Collège Ste-Véronique (Liège), qui l'a écrite lors de la création du spectacle en octobre 2008, à la Chapelle St-Roch.
Hé là ! Merci d'avoir passé du temps à rédiger la chose ! 
En la lisant, je me suis posé la question de savoir quelles étaient les bases théoriques reçues par ces élèves.  Je suis par exemple curieux de comprendre ce qui fonde la différenciation qu'elle opère entre théâtre commercial et art.  Le fameux effet V qu'elle cite et qui, j'imagine, doit être le verfremmdungseffekt brechtien, semble être - d'après ce que je lis - incompatible avec le rire.
"Cette pièce avait des aspects commerciaux comme le fait de faire rire le spectateur. Cependant, elle n’est pas comme dans toutes les pièces commerciales, où tous les mêmes sujets reviennent sans cesse mais c’est un art, une fenêtre ouverte sur le monde, une pièce qui nous offre d’autres ouvertures, une nouvelle vision du monde, qui nous sort de notre misère symbolique". 

Rire = commerce... Je ne suis pas entièrement contre cette équation, si par commerce on entend bien "échange de bénéfices mutuels".  Et puis "femme qui rit étant à moitié conquise" permet d'imaginer le commerce qu'on peut avoir avec elle, comme le dit mon arme fatale, le dictionnaire étymologique de la langue française.

Par contre, que le rire soit incompatible avec une vision éthique ou politique du monde, voilà qui me poserait problème.  Si toute pièce de théâtre qui comporte un propos devait être casse-bonbons, ou devait plonger ses spectateurs dans les abîmes troubles de la perplexité, ça m'ennuierait beaucoup.

Si je me souviens bien, ce qu'on appelle distanciation était venu de la vision par Brecht d'un spectacle où le roi avait, par accident, la couronne de travers.  Et ça l'avait fait rire, heureux caractère ! 
Verfremmdungseffekt a traditionnellement été traduit par "distanciation", qui me semble un peu trop psychique-de-la-tête. On a aussi, via les dictionnaires en ligne : "altération", "aliénation", et même "Keine Ergebnisse gefunden für verfremdung"
Par contre, pas de trace d'étrangeté, qui avait les faveurs de Philippe Ivernel, un de mes maîtres au Centre d'Etudes Théâtrales de Louvain-la-Neuve.  J'aime bien ce terme, surtout dans le contexte actuel de lutte sociale, de compétition apparente entre les espèces, de monoculture idéologique : l'étrangeté, c'est bien le choc avec l'autre, la surprise du visage de l'autre côté de la porte qu'on ouvre...

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